La coque montrée à la fin du chapitre précédent a été définie par des surfaces B-splines. Pour être précis, et pour ceux qui connaissent déjà le sujet, chaque demi coque est une surface B-spline avec un réseau de contrôle de 4x4. On ne peut pas faire plus simple sur le plan mathématique, et pourtant cette coque est tout à fait réaliste, constructible, et rien ne dit que le bateau qui s'en habillerait ne serait pas performant...
Remarque : Pour les voileux connaisseurs : la gîte du bateau, un 12 m à lest court, est obtenue en appliquant une masse "d'équipage" de deux tonnes sur le côté, ce qui explique son enfoncement important et le fait que l'arrière du tableau soit mouillé... Pour les non initiés aux NURBS, le terme 4x4 n'a rien à voir avec les engins polluants qui ne servent à rien d'autre qu'à afficher l'état des finances de leur propriétaire. Faites vous donc construire des voiliers, messieurs :)
Un examen rapide des images précédentes pourrait laisser penser que, des deux réseaux de courbes ci-dessus à gauche, celui qui apparaît en pastel bleu est un réseau de "sections" par des plans verticaux, comme ceux qu'on trouve classiquement sur les plans de coques de bateaux. Il n'en est rien. Les deux réseaux de courbes dites "U" et "V", n'ont rien à voir avec des sections dans des plans "X", "Y" ou "Z". Pour s'en convaincre, comparer les deux représentations ci-dessous. Et n'essayez pas de cliquer dedans... je ne vais pas vous refaire le coup.
Tout d'abord trois vues du réseau de courbes paramétriques "U" et "V".
Puis, pour la même coque, trois vues de sections "X", "Y" et "Z".
Les sections en X, Y et Z sont calculées à partir du modèle paramétrique, par une opération qui est d'ailleurs assez compliquée. On peut, certes, concevoir un bateau en ne travaillant que sur un modèle par sections, mais les calculs et l'évaluation de ses performances sont assez, pour ne pas dire très lourds. Par ailleurs, le travail sur les sections, par exemple les plans de forme en sections sur l'axe X, sont peu évidents à manipuler pour des non spécialistes, et il n'est pas rare de voir des bateaux "moches" ou carrément "ratés" sur le plan des performances. C'est là tout l'intérêt des NURBS : la carène définie ci dessus, qui nécessiterait un grand nombre de paramètres pour la définir en sections par des plans verticaux, est définie par seize points du réseau de contrôle de NURBS ! Il devient quasiment impossible, compte tenu du dépouillement du modèle mathématique sous-jacent, de faire un bateau moche. Et avec des outils tels que celui de ce site (en version évidemment plus professionnelle) pour l'évaluation des performances, il est difficile de faire un bateau qui marche mal, sauf évidemment si le propriétaire a des exigences particulières telles que par exemple de pouvoir aller de Draveil à Poissy à la voile...
NB : Les connaisseurs noteront que le passage de 32x16 pas sur les paramètres "UV" à 128x64 pas change les valeurs hydrostatiques calculées. Evidemment, plus on a de pas, plus le calcul est précis. Mais plus il est long aussi et on comprendra tout l'intérêt d'aller vite en constatant que, si le nombre de pas est faibe, lorsqu'on change la position d'un point de contrôle avec la souris, la forme de la coque est calculée en temps réel, sans effet de retard désagréable. Evidemment, pas sur les images statiques ci-dessus. Un peu de patience, voyons !
On part du principe qu'une carène est consistée de deux demi-carènes symétriques, jointes entre elles dans le plan de symétrie du bateau. Le principe est de définir chaque demi-carène par une surface NURBS. Dans la suite, tous les exemples seront traités avec une surface NURBS définie par un réseau de 16 points de contrôle (4x4). Parmi ces 16 points de contrôle, 12 définissent le contour extérieur de la surface et 4 sa forme intérieure.
Commençons par le contour extérieur. L'applet ci-dessous est une vue 2D qui permet de placer les quatre courbes caractéristiques suivantes sur une vue de côté d'un bateau :
Chacune de ces quatre courbes est définie par quatre points de contrôle. Quatre de ces points sont communs à deux courbes, ce qui fait qu'on en a douze distincts. Manipulez ces points et tentez de trouver des formes de coque de styles différents. Comme vu précédemment, vous notez qu'un problème particulier se pose au raccordement entre la ligne de bas de coque et l'étrave : ce point n'est ordinairement pas anguleux. Les trois autres points de jonction par contre peuvent être anguleux, pour ne pas dire qu'ils le sont presque toujours.
Les courbes ci-dessus sont représentées dans un espace 2D, à savoir le plan X-Z. X est la coordonnée sur l'axe du bateau, Z est l'axe vertical. Il nous manque l'axe Y, horizontal perpandiculaire à l'axe du bateau, pour travailler en 3D. Pour ce faire, il faut travailler sur trois vues distinctes des mêmes courbes, ce que vous allez pouvoir faire sur l'applet ci-dessous. Il faut bien comprendre que chaque point de contrôle est représenté simultanément sur les trois vues. Lorsqu'on le déplace dans une des vues, il se déplace également dans les deux autres. Lorsqu'on désire modifier un point de contrôle pour changer la forme d'une courbe dans l'espace, et donc pour changer la forme de la surface de carène, on a toujours le choix - pour ne pas dire comme Coluche l'embarras - de choisir une des trois vues pour saisir le point de contrôle à la souris et le déplacer. Avec un peu d'habitude, on sait ce qu'on veut faire et on choisit la vue adéquate.
Il vous semble que dans la vue Y-Z il y a une erreur : vous aimeriez voir la forme de la coque, approximativement au maître bau (vers la mi-longueur du bateau). Effectivement, elle donne intuitivement "forme" à la carène. Mais si l'on ne la voit pas, c'est tout simplement parce qu'elle ne constitue pas une courbe de définition de la surface NURBS de la carène. Ce que vous voyez avec une forme en pointe vers le bas est le tableau arrière d'un bateau de forme ancienne.
Vous aurez aussi noté certains détails :
Vous allez maintenant disposer, sur les trois vues ci-dessous, de deux éléments supplémentaires
Vous voyez apparaître la forme de coque d'une jolie goelette de la fin du 19° siècle. Il ne tient qu'à vous de faire apparaître à la place les lignes d'une machine de course moderne, genre "40' open". Il suffit pour cela de déplacer les points de contrôle. Allez y !
Comment dites vous ? C'est impossible ? Mais non, vous n'avez pas tout essayé. Je vous donne la solution, regardez ci-dessous !
Vous me croyez maintenant j'espère. He bien prenez donc la carène moderne ci-dessus et transformez là pour obtenir la jolie goelette qui précédait... Fastoche. Passons à la suite.
Comme il a été dit plus haut, les sections de la carène par des plans sont utiles, d'abord pour "voir" les lignes du bateau lorsqu'on en trace les plans, ensuite parce que leur utilisation est un point de passage obligé pour fabriquer le bateau. Nous allons donc commencer à mettre dans le rectangle gris situé en bas à gauche du diagramme "trois vues" des boutons qui permettent de choisir le type de vue du bateau désiré, ainsi que de paramétrer ces vues. On y trouve :
Vous pouvez constater qu'en changeant la résolution sur les paramètres U et V, vous obtenez des courbes de sections X-Y-Z ainsi qu'une perspective 3D de plus en plus "fines". Mais la contrepartie est que le temps de calcul augmente et que lorque vous déplacez les points de contrôle à la souris, le logiciel a du mal à suivre. On ne peut pas tout avoir. La bonne manière d'utiliser ce logiciel est donc de travailler avec une résolution faible sur U-V, la première ou la seconde proposée suivant la puissance de votre machine, dans les phases où l'on déplace les points de contrôle. Ensuite, pour affiner le rendu visuel ou les calculs (voir chapitre suivant), on augmente la résolution sur U-V.
Le modèle le plus simple consiste à créer la demi carène avec un réseau de seize points de contrôle (4x4). On peut évidemment aller plus loin et utiliser des réseaux ayant plus de points dans le sens de la longueur de la coque (5x4), (6x4), ..., ou des réseaux ayant plus de points dans le sens transversal (4x5), (4x6), ainsi que bien entendu toute combinaison telle que (6x5). L'expérience montre qu'avec des réseaux (4x4), très simples à mettre en oeuvre, on arrive à créer un grand nombre de formes de carène, aussi bien de style ancien que moderne.
En résumé :
On peut définir une demi-carène de bateau avec une surface NURBS ou une surface B-spline. La carène complète est obtenue créant la demi carène opposée par symétrie, et le tout devra bien entendu être complété par un tableau arrière, des appendices, ... Il est possible, à partir du réseau de points de contrôle, et donc du modèle en NURBS de la carène, de passer à un modèle en sections X-Y-Z, afin par exemple d'élaborer les documents de fabrication du bateau. Le présent site sur la toile permet d'élaborer une carène à base de NURBS, de calculer ses paramètres hydrostatiques et d'évaluer ses performances à la voile.